Les acheteurs publics sont désormais bien informés et ne s’y trompent plus : le principe de l’allotissement s’applique tant aux marchés passés selon une procédure adaptée qu’à ceux passés selon une procédure formalisée dès lors que l’objet du marché permet l’identification de prestations distinctes sauf à s’inscrire dans une de ces deux exceptions :
- L’acheteur n’est pas en mesure d’assurer par lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination ;
- La dévolution en lots séparés est de nature à restreindre la concurrence ou risque de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l’exécution des prestations.
Précisons que l’obligation d’allotissement n’est pas seulement fonctionnelle, c’est-à-dire, fonction de la nature de la prestation mais être également géographique. En effet, l’allotissement géographique peut se justifier dans deux hypothèses :
- lorsque, compte tenu de « l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser», il apparaît opportun de le substituer à un allotissement fonctionnel qui aurait été pourtant possible. Ainsi, s’agissant du choix de ne pas allotir techniquement un marché portant sur l’entretien courant « tout corps d’état » et de remise en état de différents bâtiments, le Conseil d’état valide ce choix compte-tenu notamment des nombreux sites d’exécution des travaux, et des difficultés techniques et de coordination qui étaient susceptibles de résulter de la multiplication du nombre de lots (97 lots techniques) et valide donc l’allotissement en 9 lots géographiques du marché[1].
- lorsque la répartition géographique recouvre en réalité une répartition fonctionnelle, dans la mesure où il s’agit d’une prestation unique, physique, sur des sites différents : des prestations de surveillance sur des sites distincts du maitre d’ouvrage doivent ainsi faire l’objet d’un allotissement[2].
Le nouveau code de la commande publique, entré en vigueur le 1er avril 2019, a maintenu ce dispositif.
Le Conseil d’Etat a eu récemment et, pour la première fois, à examiner la question de savoir si un marché public global était soumis à cette obligation d’allotissement. Dans un premier temps, le juge des référés réunionnais avait considéré qu’un marché public global portant sur la conception et la réalisation, en différents points du territoire réunionnais, d’un réseau de télécommunications, était soumis à une obligation d’allotissement géographique. En d’autres termes, le maitre d’ouvrage aurait dû diviser, par commune, le marché de conception réalisation, soit en définitive 17 lots. Dans une décision en date du 8 avril 2019[3], le Conseil d’état a censuré l’analyse du juge réunionnais et confirmé que les marchés globaux n’étaient pas soumis à l’obligation d’allotissement fonctionnel ou géographique. D’ailleurs, le nouvel article L. 2171-1 du code de la commande publique ne dit pas autre chose :
« Sont des marchés globaux passés par dérogation au principe d’allotissement :
1° Les marchés de conception-réalisation ;
2° Les marchés globaux de performance (…)».
Ces dispositions sont on ne peut plus claires : les marchés globaux dérogent au principe d’allotissement. Et aucune distinction n’est opérée entre l’allotissement fonctionnel et géographique.
[1] CE, 25 mai 2018, OPH Hauts-de-Seine habitat, req.n° 417428 ;
[2] CE, 23 juillet 2010, Région Réunion, req.n° 338367 ;
[3] CE, 8 avril 2019, Région Réunion, req.n°426096.